Prix : EUR 8,90
Une humanité plus libre
Quatre-vingt dix ans après Paul Gauguin, j'eus moi-mme l'occasion de constater à quel point les Européens, par le biais de leurs soldats, de leurs prtres, de leurs pasteurs, de leurs bureaucrates et de leurs marchands, avaient perverti la société polynésienne, aidés dans cette uvre destructrice par les commerants chinois.Lorsqu'il arrive à Tahiti en 1891, Gauguin, choqué de voir combien la capitale Papeete s'était médiocrement provincialisée à la mode franaise, décide d'aller vivre avec une Tahitienne chez les Tahitiens, loin de tout contact européen, et le récit qu'il en fait dans Noa Noa est passionnant.Il y décrit non les bons sauvages fantasmatiques créés par certains esprits faibles du siècle précédent dans leur recherche d'origines pures , mais une humanité forte qui cultive un art de vivre situé à l'exact opposé du mépris judéo-chrétien du corps.Pour nous, qui sommes sous l'emprise des faiseurs d'opinion, lesquels essaient de nous faire croire que les pieds doivent tre griffés Nike pour valoir quelque chose, et que les plus belles étoiles sont les satellites dont descendent les bouquets payants, c'est une lecture rassérénante.Pour ceux qui croiraient encore aux vertus de la colonisation et des comportements impériaux -Rome avant-hier, l'Europe hier, les États-Unis aujourd'hui, peut-tre la Chine demain-, c'est un livre franchement indispensable.Juste après la mort de Gauguin aux Marquises en 1903, un évque local sr de son bon droit détruisait vingt toiles du peintre, uvres jugées licencieuses, contraires à la morale. Au-delà de la tristesse éprouvée à l'idée de cette perte irréparable, on se dit que cet acte barbare témoigne de la réussite de Gauguin : il luttait pour une humanité plus belle, plus sensuelle, plus libre.