Prix : EUR 19,00
This review is from : Musique et temps
Et si on sortait des ghettos conceptuels de la GRANDE musique? .
Voilà un ouvrage fondamental et dont les contributions sont variées. On négligera les deux ou trois qui sont dans cette langue que les critiques du champ artistique adorent de trop, une langue sinon de bois, du moins d'encens et de myrrhe rituelles, plastique mou qui n'a que peu de sens, sinon peut-tre pour un clan fermé d'initiés. Cette langue remplace la pensée par la rhétorique, parfois purement linguistiquement superficielle, comme s'il y avait du sens à aligner des mots qui font plaisir. On regrettera aussi l'européano-centrisme qui ne voit pas que l'Europe n'est qu'un stade limité dans le temps historique de développement qui ne peut tre saisi que par la recherche de ses racines et non par une espèce d'exploration extatique de ses formes ultimes. Schaeffer n'explore pas les racines mais donne simplement un coup de projecteur sur une route - et une seule - du futur fondé sur un présent existentiel immédiat, qui est devenu en cours de route un passé proche et pourtant déjà si lointain. Ce livre ne recherche pas la source de la musique dans le Rsi sanskrit ou védique, encore moins dans les tablettes sumériennes ou dans l'école de David à Jérusalem. Pourtant on voit bien la fonction religieuse de l'art au Moyen ge, et la liaison de la musique à des rites en Chine, dimension religieuse, pourrait-on demander, tout juste assez bonne pour les temps prétendument sombres et certains pays étrangers ? Mais on oublie que le concert est un rite collectif et que l'écoute privé est aussi un rite équivalent plus ou moins à une prière à la beauté musicale. On communie en musique avec soi-mme, avec une dimension qui nous dépasse, simultanément avec d'autres, collectivement tous ensemble, comme quand on applaudit au concert. Il n'en reste pas moins que le livre est des plus intéressants quand il essaie de comprendre ce qu'est le temps en musique dans le concret mme de la musique. On laissera le gargarisme (souvent pseudo-) philosophique qui s'appuie sur des citations scolastiquement commentées et qui s'exprime en phrases incompréhensibles. Ah la nostalgie de ce qui se conoit aisément et qui s'exprime simplement ! Mais quand - à la suite de Schaeffer, Stockhausen et Messiaen - on essaie de mettre en perspective temps-durée-pulsation-tempo-battue, on approche de la vérité relative et variée, voire contradictoire, que l'on recherche. La musique, le verbe poétique et les rites sont des éléments fondateurs de l'humanité. Autant l'espace est tangible et parcourable, autant le temps, lui, est bien tangibles par ses effets mais non parcourable. On en voit et constate les effets et on en déduit le concept de temps alors que la nature n'a que de la durée qui n'a absolument pas l'homogénéité et la régularité que l'on prte au temps, et surtout que la durée est directement indexée sur le point de vue de l'élément qui la porte. La durée cosmique est différente de la durée géologique, végétale, animale, et chaque animal a sa propre échelle de durée. Le temps est une invention humaine, une conceptualisation. Le cosmos ne conceptualise rien. La musique toute construite en Occident sur l'écriture en mesures régulières à temps forts et faibles avec des notes qui forment une échelle de longueurs et de degrés réguliers, dénombrables et mesurables, a perdu le sens de la pulsion, de ces cyclicités ou colorations émotionnelles qui brisent la régularité pour atteindre l'émotion. Et c'est là bien sr que le livre est court. La multi-rythmicité de la musique africaine n'est pas explorée et l'instrument qui va natre de sa rencontre avec la musique occidentale, en Amérique principalement, à savoir la batterie, va donner naissance à un univers musical nouveau qui sera la vraie rupture d'avec la tradition occidentale jusqu'au 19ème siècle (et devenue tradition occidentale pourtant seulement après l'écartement du grégorien). La musique occidentale est par trop tempérée. Tempérée par ses degrés pourtant difficiles à garder purs ou uniques car les intervalles leur jouent des tours. Enchanez donc des tierces majeures ou des quintes majeures, et vous verrez ou cela mène. Tout doit tre régulier dans un univers sonore qui n'est que croisement et mélange de cent cyclicités à la fois toutes diverses et chacune comme toutes irrégulières. La musique occidentale du 20ème siècle a trop souvent cherché à réaliser un discours de remise en cause conceptuelle de ses règles classiques là où la confrontation à d'autres traditions ou la simple recherches de matériaux nouveaux et de traitement sans préalable produisaient des émotions fortes et des colorations intenses. Mais il est vrai que ce livre, dans la tradition de la grande musique de la SACEM, ignore totalement, le jazz marginalement mis à part, l'univers multi-rythmique de l'immense planète de la musique amplifiée y compris le noise bien sr. Un arbre n'a jamais vraiment deux feuilles qui ont la mme forme et la mme couleur, et pourtant, comme pourrait le dire Galilée en antithèse, un chne est un chne. Il faudrait m'expliquer comment un entrechat est la mme chose pour deux danseurs différents, qu'ils soient l'un une femme et l'autre un homme, ou qu'ils aient cinq centimètres de différence en longueur de jambes. La musique occidentale s'est enlisée dans le tempérament au lieu d'avoir continué la dimension très ancienne de l'émotion rituelle. Heureusement que les interprètes introduisent un peu de variété dans cette durée rigidifiée et ossifiée en temps conceptuel comptable et mesurable à merci.Dr Jacques COULARDEAU, Université Paris Dauphine, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne & Université Versailles Saint Quentin en Yvelines
Et si on sortait des ghettos conceptuels de la GRANDE musique? .
Voilà un ouvrage fondamental et dont les contributions sont variées. On négligera les deux ou trois qui sont dans cette langue que les critiques du champ artistique adorent de trop, une langue sinon de bois, du moins d'encens et de myrrhe rituelles, plastique mou qui n'a que peu de sens, sinon peut-tre pour un clan fermé d'initiés. Cette langue remplace la pensée par la rhétorique, parfois purement linguistiquement superficielle, comme s'il y avait du sens à aligner des mots qui font plaisir. On regrettera aussi l'européano-centrisme qui ne voit pas que l'Europe n'est qu'un stade limité dans le temps historique de développement qui ne peut tre saisi que par la recherche de ses racines et non par une espèce d'exploration extatique de ses formes ultimes. Schaeffer n'explore pas les racines mais donne simplement un coup de projecteur sur une route - et une seule - du futur fondé sur un présent existentiel immédiat, qui est devenu en cours de route un passé proche et pourtant déjà si lointain. Ce livre ne recherche pas la source de la musique dans le Rsi sanskrit ou védique, encore moins dans les tablettes sumériennes ou dans l'école de David à Jérusalem. Pourtant on voit bien la fonction religieuse de l'art au Moyen ge, et la liaison de la musique à des rites en Chine, dimension religieuse, pourrait-on demander, tout juste assez bonne pour les temps prétendument sombres et certains pays étrangers ? Mais on oublie que le concert est un rite collectif et que l'écoute privé est aussi un rite équivalent plus ou moins à une prière à la beauté musicale. On communie en musique avec soi-mme, avec une dimension qui nous dépasse, simultanément avec d'autres, collectivement tous ensemble, comme quand on applaudit au concert. Il n'en reste pas moins que le livre est des plus intéressants quand il essaie de comprendre ce qu'est le temps en musique dans le concret mme de la musique. On laissera le gargarisme (souvent pseudo-) philosophique qui s'appuie sur des citations scolastiquement commentées et qui s'exprime en phrases incompréhensibles. Ah la nostalgie de ce qui se conoit aisément et qui s'exprime simplement ! Mais quand - à la suite de Schaeffer, Stockhausen et Messiaen - on essaie de mettre en perspective temps-durée-pulsation-tempo-battue, on approche de la vérité relative et variée, voire contradictoire, que l'on recherche. La musique, le verbe poétique et les rites sont des éléments fondateurs de l'humanité. Autant l'espace est tangible et parcourable, autant le temps, lui, est bien tangibles par ses effets mais non parcourable. On en voit et constate les effets et on en déduit le concept de temps alors que la nature n'a que de la durée qui n'a absolument pas l'homogénéité et la régularité que l'on prte au temps, et surtout que la durée est directement indexée sur le point de vue de l'élément qui la porte. La durée cosmique est différente de la durée géologique, végétale, animale, et chaque animal a sa propre échelle de durée. Le temps est une invention humaine, une conceptualisation. Le cosmos ne conceptualise rien. La musique toute construite en Occident sur l'écriture en mesures régulières à temps forts et faibles avec des notes qui forment une échelle de longueurs et de degrés réguliers, dénombrables et mesurables, a perdu le sens de la pulsion, de ces cyclicités ou colorations émotionnelles qui brisent la régularité pour atteindre l'émotion. Et c'est là bien sr que le livre est court. La multi-rythmicité de la musique africaine n'est pas explorée et l'instrument qui va natre de sa rencontre avec la musique occidentale, en Amérique principalement, à savoir la batterie, va donner naissance à un univers musical nouveau qui sera la vraie rupture d'avec la tradition occidentale jusqu'au 19ème siècle (et devenue tradition occidentale pourtant seulement après l'écartement du grégorien). La musique occidentale est par trop tempérée. Tempérée par ses degrés pourtant difficiles à garder purs ou uniques car les intervalles leur jouent des tours. Enchanez donc des tierces majeures ou des quintes majeures, et vous verrez ou cela mène. Tout doit tre régulier dans un univers sonore qui n'est que croisement et mélange de cent cyclicités à la fois toutes diverses et chacune comme toutes irrégulières. La musique occidentale du 20ème siècle a trop souvent cherché à réaliser un discours de remise en cause conceptuelle de ses règles classiques là où la confrontation à d'autres traditions ou la simple recherches de matériaux nouveaux et de traitement sans préalable produisaient des émotions fortes et des colorations intenses. Mais il est vrai que ce livre, dans la tradition de la grande musique de la SACEM, ignore totalement, le jazz marginalement mis à part, l'univers multi-rythmique de l'immense planète de la musique amplifiée y compris le noise bien sr. Un arbre n'a jamais vraiment deux feuilles qui ont la mme forme et la mme couleur, et pourtant, comme pourrait le dire Galilée en antithèse, un chne est un chne. Il faudrait m'expliquer comment un entrechat est la mme chose pour deux danseurs différents, qu'ils soient l'un une femme et l'autre un homme, ou qu'ils aient cinq centimètres de différence en longueur de jambes. La musique occidentale s'est enlisée dans le tempérament au lieu d'avoir continué la dimension très ancienne de l'émotion rituelle. Heureusement que les interprètes introduisent un peu de variété dans cette durée rigidifiée et ossifiée en temps conceptuel comptable et mesurable à merci.Dr Jacques COULARDEAU, Université Paris Dauphine, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne & Université Versailles Saint Quentin en Yvelines
Product Details
EAN : 9782914147446Weight : 1 pounds
Height : 1 inches
Length : 9 inches
Width : 6 inches
Author : Collectif
Binding : Broché
Edition : Collection thématique
Manufacturer : Cité de la Musique
PublicationDate : 2008-01-01
Publisher : Cité de la Musique
Studio : Cité de la Musique
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